Lecture commentée des 2e (suite) et 3e parties des Instructions par demandes et réponses au grade d'Apprenti
(Tenue du 25 octobre 2018)
2e section
D&R 56 et 58
D. Que vous est-il arrivé ensuite ?
R. Le Vénérable Maître a exigé mon consentement pour subir l'épreuve du sang.
D. Pourquoi a-t-on exigé de vous ce consentement ?
R. Pour s'assurer de ma fermeté en toute occasion, et me confirmer par mon aveu dans l'état de Souffrant.
D. Avez-vous effectivement scellé votre engagement de votre sang ?
R. Non le Vénérable Maître s'est contenté de ma bonne volonté et a seulement figuré le sacrifice auquel j'avais consenti moi-même.
L’épreuve du sang.
Avec cette épreuve, le candidat accomplit le ternaire « Cherchant, Persévérant, Souffrant ». Il est « Cherchant » à son entrée en Loge, « Persévérant » durant les 3 « voyages », et maintenant il est « Souffrant ».
Rappelons qu’à l’origine les « voyages » sont de simples tours dans le local, sans « épreuves » particulières. Ces dernières n’apparaissent que dans les années 1770 sous la forme de 2 épreuves, celles de l’eau et du feu, références explicites aux baptêmes de l’eau (par Jean) et de l’esprit (par le Christ) décrits dans l’Evangile de Jean (chapitre 1).
Pour former un ternaire le Rite Ecossais Rectifié se réfère à un autre élément fondamental de la symbolique chrétienne, le sang (de la crucifixion).
Ainsi le RER, tout en conservant la trame classique du rituel d’initiation d’origine, souligne la dimension chrétienne de la franc-maçonnerie avec l’importante épreuve du sang. Le candidat est invité à donner son consentement à cette épreuve pour lui rappeler le libre sacrifice de Jésus. C’est dire la grande signification de cette épreuve en particulier et des épreuves en général qui sont là pour aider le candidat à se révéler à lui-même. A partir du XIXe siècle, malheureusement, avec la perte de sens, tout ceci deviendra une triste pantomime.
D&R 59
D. Comment avez-vous dont été reçu Apprenti Maçon ?
R. Par trois coups, que le Vénérable Maître a frappé sur la tête du Compas dont la pointe appuyait sur mon coeur.
Les 3 coups frappés sur le cœur avec un compas sont une séquence universelle dans la franc-maçonnerie. Le cœur est le siège des sentiments, de la vérité, de la justice (de sanction comme de rétribution ainsi que le rappellent les cartels « justice » et « clémence » dans la Loge rectifiée). Cette séquence met en valeur l’importance du serment qui est un acte sacré.
D&R 60
D. Qu'a-t-on fait de vous après cela ?
R. J'ai été renvoyé à l'Occident. J'y ai d'abord reçu un faible rayon de lumière et ensuite je l'ai vue dans son éclat.
On notera une différence entre les versions de ce texte de l’année 1785 et celle de 1788 qui est plus complète. Le fait que la lumière soit rendue en 2 temps est une spécificité rectifiée que le Rite Ecossais Ancien et Accepté adoptera au XIXe siècle. C’est une référence au fait que l’Homme, après sa Chute, n’est pas totalement dépourvu de moyens pour se racheter. Dans les ténèbres où il est tombé, il garde en lui un faible rayon de lumière (1er temps) qui lui permettra de recouvrer la vraie lumière (2e temps), celle du chemin qui conduit à la lumière salvatrice du Christ.
Le faible rayon de lumière est une donnée traditionnelle occidentale qui était déjà connue des Romains. C’était un rite de dérision au moment du retour vainqueur d’un général triomphant, puis ce fut utilisé lors du couronnement du pape jusqu’au milieu du XXe siècle. On ignore quelles sont les sources des promoteurs du Rectifié pour introduire cet épisode dans le rituel mais il existe, dans un ouvrage célèbre publié en 1735 Cérémonies et coutumes religieuses de tous les peuples du monde [...] de Bernard Picart, une gravure représentant cette scène, ainsi que la fameuse liste des loges de la Grande Loge de Londres.
Bref, l’enseignement que veut donner le rite écossais rectifié est que la lumière élémentaire (ou physique) appelle une autre lumière, spirituelle.
D&R 61 et 65
D. Qu'avez-vous aperçu lorsqu'on vous a donné la lumière ?
R. Trois grandes lumières.
D. Que signifient ces trois lumières ?
R. Le soleil, la lune et le Vénérable Maître.
D. Quel rapport y a-t-il du soleil et de la lune avec le Vénérable Maître ?
R. Comme le soleil éclaire le monde pendant le jour et la lune pendant la nuit de même aussi le Vénérable Maître éclaire sans cesse la Loge de ses lumières.
D. Qu'avez-vous aperçu encore ?
R. Un chandelier à trois branches sur l'autel d'Orient.
D. A quoi fait-il allusion ?
R. A la triple puissance qui ordonne et gouverne le monde, et qui est exprimé dans la Loge par le Vénérable Maître et les deux Surveillants.
Voici 2 ternaires fondamentaux de la symbolique maçonnique :
- le soleil, la lune et le Maître de la Loge
- la sagesse, la force et la beauté
Le 1er ternaire (soleil, lune, étoiles) se réfère à Genèse 1, 16 puis à Matthieu 2, 2 ou Luc 2, 8-9. Traditionnellement le soleil est associé à la nature divine, la lune à la nature humaine, et l’étoile à l’alliance des 2 natures du Christ.
Le 2e ternaire assimile le Vénérable Maître à la Sagesse, le 1er Surveillant à la Force et le 2e Surveillant à la Beauté. Sagesse, Force et beauté sont des « colonnes » non matérialisées, représentées par les 3 personnes sus nommées à l’image de Galates 2, 9 où Jacques, Pierre et Jean sont considérés comme des colonnes. De plus l’attribution de la Sagesse au Fils, de la Force au Père et de la Beauté au Saint-Esprit est attestée dès le XIe siècle dans les Sentences de Pierre Lombard.
Ainsi lorsque on entre en Loge le ternaire des colonnes soutient, ordonne et gouverne symboliquement le monde au centre duquel se tient l’étoile ou lumière du Christ qui l’éclaire.
D&R 66
D. N'avez-vous rien aperçu de plus ?
R. Le tapis de la Loge formant un carré long à l'imitation du Temple de SALOMON et réunissant tous les emblèmes mystérieux de la Maçonnerie.
Trop souvent la Loge est assimilée au Temple de Salomon. Or ils sont distincts. Le Temple est orienté à l’Ouest et la Loge qui se trouve sur le parvis du Temple est orientée à l’Est. L’ambigüité naît avec le tapis ou le tableau de la Loge qui représente la Loge mais qui est à l’imitation du Temple d’où résultent l’amalgame, la confusion et l’absurdité de cette assimilation.
3e section
D&R 67 à 76
D. Pouvez-vous me donner l'explication des emblèmes mystérieux, meubles, bijoux et ornements dont se servent les Francs-Maçons ?
R. Je l'espère, mais je n'en suis pas sûr.
D. Pourquoi me répondez-vous ainsi ?
R. Parce que l'Apprenti, ne pouvant encore rien juger par lui-même, reste dans le doute et l'incertitude de toutes choses.
D. Combien y a-t-il de meubles emblématiques ?
R. Six, dont trois sont mobiles et trois immobiles.
D. Nommez-moi les trois premiers ?
R. Le compas, la Truelle et le Maillet.
D. A quoi sert le Compas ?
R. Il sert à tracer des plans avec de justes proportions.
D. A quoi sert la truelle ?
R. Elle sert aux Francs-Maçons pour construire des Temples à la Vertu.
D. A quoi sert le Maillet ?
R. Il sert aux Apprentis pour travailler sur la Pierre brute et pour la dégrossir, aux Compagnons pour mettre en oeuvre les matériaux déjà préparés, et il est entre les mains du Vénérable Maître l'emblème de la force pour diriger et contenir les ouvriers.
D. Quels sont les meubles immobiles ?
R. La Pierre brute, la Pierre cubique et la Planche à tracer.
D. A qui sont-ils attribués ?
R. La Pierre brute est attribuée aux Apprentis pour la dégrossir, la Pierre cubique aux Compagnons pour aiguiser leurs outils, et la planche à tracer aux Maîtres pour tracer leurs dessins.
D. Que signifie la pierre brute ?
R. Elle est le symbole vrai d'un Apprenti et du travail qu'il doit faire sur lui-même pour pouvoir parvenir à la vraie lumière.
La séquence pierre brute, pierre cubique et planche à tracer est classique dans la Maçonnerie. A noter qu’il ne s’agit pas de pierre cubique à pointe, innovation absurde de la Maçonnerie française qui est issue de la reprise incomprise de la représentation stéréotomique de la pierre cubique. Comme le Rite Ecossais Rectifié tire nombre d’éléments symboliques de la Stricte Observance allemande, il n’a pas repris cette nouveauté française.
D&R 77
D. Pourquoi n'y comprenez-vous pas la Bible ?
R. Parce qu'elle n'est pas un emblème, et qu'elle nous enseigne la Loi qui était conservée dans le Sanctuaire du Temple et que tout Franc-maçon doit méditer.
La Bible n’est pas un symbole. C’est un livre saint, le fondement même de la Franc-maçonnerie qui disparaît sans cela, un objet de continuelles méditations, un univers où nous sommes invités à nous promener pour devenir acteur de notre vie et du monde.