Lecture commentée de la 2e partie des Instructions par demandes et réponses au grade d'Apprenti
(Tenue du 9 juin 2015)
Lorsqu’on étudie les textes rectifiés, il faut toujours se souvenir :
- qu’il existe plusieurs versions de ces textes rituels, dont 4 grandes, établies entre 1778 et 1788, toutes légitimes ;
- que le Régime ou Rite Ecossais Rectifié est l'héritier de la tradition maçonnique française ou « Moderne » (apparue dans les années 1720).
Une bonne connaissance de l'histoire des rituels rectifiés ainsi que de la tradition maçonnique française du XVIIIe siècle est donc indispensable pour comprendre comment ils ont été constitués et leur signification.
D&R 43 à 46 : « En quelle qualité avez-vous été… ».
D’une certaine manière, l'enseignement rectifié est donné presqu'en entier, quoique de manière allusive, dès le 1er grade et se décline ensuite sur les grades suivants. Ainsi l’expression « Cherchant, Persévérant et Souffrant » s'applique à l'Apprenti et se décline ensuite sur les 3 grades suivants d'Apprenti, Compagnon et Maître.
Les « trois coups » ont une dimension évangélique attestée dès les premières divulgations françaises imprimées dans les années 1740.
D&R 47 à 49 : « Comment étiez-vous habillé… »
Traditionnellement « ni nu, ni vêtu et (...) dépouillé de tous métaux » renvoie -et c'est toujours le cas dans la Maçonnerie anglaise- à l'idée qu'on entre en loge symboliquement dans un état de pauvreté, que cet état peut nous frapper nous-mêmes, comme d'autres frères qu'on doit alors assister.
Le lien avec le Temple de Salomon -même si la non utilisation de métaux pendant sa construction est attestée dans la Bible (1R6, 7)- a été introduit tardivement dans la Franc-maçonnerie. Le Rectifié -à la suite l'affaire de l'agent inconnu (1785)- a d'ailleurs insisté sur cette interdiction de l'usage des métaux, jugés néfastes -bien qu'il ne faille point oublier que l'usage des outils en métal est indispensable sur un chantier de construction-, en supprimant le mot du 1er grade « Tubalcaïn », « père des forgerons » et en le remplaçant par « Phaleg ». Signalons enfin que dans la dernière version des rituels rectifiés de 1788, au grade de Compagnon, on trouve des métaux au cours des voyages mais dans un autre contexte.
D&R 50 et 51 : « Qu’avez-vous aperçu… »
Cette notion de « lumière » est problématique. Nombre d’Eglises condamnent la franc-maçonnerie au motif, entre autres, qu’elle apporterait plus de lumière qu'elles. En réalité, il ne s'agit pas de cela. La franc-maçonnerie n'a pas vocation à remplacer ou à dépasser les religions. Comme l'a déclaré récemment un dignitaire de la Grande Loge Unie d’Angleterre : la Maçonnerie n'est pas une religion mais elle supporte (soutient) la religion. Elle incite ses membres à tendre leur esprit vers la vraie lumière. Bref c’est une sorte de voie et de méthode spirituelle.
D&R 52 : « Qui est-ce qui vous a reçu… »
La notion de « guide » est très importante dans le Rectifié en particulier et dans la Maçonnerie en général. Elle se décline, elle aussi, sur plusieurs plans. Ce peut être le 2e Surveillant, la Loge, l'ange gardien, Dieu lui-même, comme l'enseigne la devise de la Compagnie des Maçons de Londres reprise par la Loge Nationale Française : « God is our Guide ». La voie maçonnique n'est pas une errance. Il y a une carrière, au sens du XVIIIe siècle, maçonnique qui conduit vers un but.
On pourrait dire, en simplifiant grandement, qu'il existe deux grandes voies philosophiques :
- l'existentialisme qui pense que la vie n'a pas de sens et qu'elle peut être absurde ;
- une voie que pense que la vie, que nous n'avons pas demandée, peut avoir un sens.
D&R 53 : « Qu’a-t-il fait de vous ? »
Aux origines de la franc-maçonnerie, les voyages du candidat ne sont pas des épreuves. C'est d'ailleurs toujours le cas dans la Maçonnerie anglaise. Il semble que les premières épreuves associées à des voyages viennent des grades d'Ecossais trinitaires de Pirlet (années 1760). Au 1er grade de ce système on trouve l'épreuve de l'eau, au 2e celle du feu (associées aux baptêmes de Jean et du Christ) et au 3e celle du sang (associée à la Passion du Christ). Ces épreuves, dont la signification chrétienne est transparente, sont ensuite, à la fin du XVIIIe siècle « descendues » dans les grades bleus, puis se sont diversifiées et déchristianisées, au XIXe siècle (avec les 4 éléments alchimiques, la planche à boules, etc.). On constate ainsi peu à peu que plus la forme devient prépondérante (par exemple dans des rituels égyptiens, on écrase carrément une bougie sur le bras du candidat) plus le fond ou la compréhension du rituel s’estompe.
Au Rectifié, les voyages sont associés à des maximes qui, elles-mêmes, sont des réponses aux questions d'ordre posées au candidat dans la chambre de préparation. Se profile ainsi un programme spirituel de recouvrance de la ressemblance divine à partir de son image inamissible qui est en nous.
D&R 54 à 59 : « Que vous est-il arrivé… »
On retrouve l'épreuve du sang.
D&R 60 à 66 : « Qu’a-t-on fait de vous… »
La réception de la lumière en 2 temps est une spécificité rectifiée. Le « Sic transit gloria mundi » est issu du rituel de la présentation d'un nouveau pape au peuple de Rome. Cette pratique, apparue à la Renaissance, fut exécutée pour la dernière fois à l’occasion de l’intronisation de Paul VI (1963).
Les 3 grands chandeliers au centre de la loge sont traditionnellement associés au Soleil, à la Lune et au Maître de la Loge (Gn 1, 16). Ils ont, avec le chandelier à 3 branches, une signification clairement trinitaire. Ils reçoivent, au Rectifié, une signification spécifique, mais toujours dans la problématique de la création du monde.
« Sagesse, force et beauté », second ternaire, sont associés, non aux 3 grands chandeliers, mais au Vénérable Maître et aux Surveillants. Il importe de bien différencier ces deux ternaires que l'usage a fini par confondre.
Le tableau de loge est une figuration du Temple de Salomon, ce qui permet de souligner le fait que le local n'est pas le Temple. L'usage de recouvrir et de découvrir le tableau est récent (année 1950) et français. Il n’existe pas en Angleterre où le tableau a d’ailleurs une moindre importance. Rappelons que les « Anciens » (apparus dans les années 1750) n’utilisaient pas de tableau. Rappelons aussi qu’aux origines de la franc-maçonnerie, on ne cachait pas le tableau ; on effaçait le tableau tracé à la craie ou au charbon de bois. Rappelons enfin que les premières loges se tenaient dans locaux non maçonnique, auberges ou autres lieux.