Lecture commentée des Instructions par demandes et réponses au grade de Compagnon

(Tenue du 3 février 1992)

Deuxième section

30 D. Pouvez-vous m’expliquer les circonstances particulières de votre réception ?

R. Oui Vénérable Maître.

31 D. Pourquoi vous a-t-on interrogé sur l’instruction du grade d’Apprenti avant de vous conduire à la Loge des Compagnons ?

R. Pour s’assurer si, par mon application et mon travail, je méritais d’être avancé dans un grade plus élevé.

32 D. Pourquoi avez-vous été conduit en Loge avec votre tablier, et les yeux découverts ?

R. Pour me faire sentir que j’étais déjà sur la bonne voie, et que je devais m’appliquer à la suivre.

On est placé sur une voie et on doit s’appliquer à la suivre.

33 D. Où avez-vous été placé en entrant en Loge ?

R. Entre les deux Surveillants, que j’ai reconnus pour mes Frères, guides fidèles et vrais amis.

On notera ces expressions.

34 D. Qu’ont-ils fait de vous ?

R. Le Deuxième Surveillant m’a fait faire cinq voyages mystérieux de l’Occident à l’Orient par le Midi, et de l’Orient à l’Occident par le Nord, ayant la pointe d’une épée nue sur le cœur.

35 D. Pourquoi l’épée nue sur le cœur ?

R. Pour m’apprendre que je tomberais dans l’obscurité si je ne pratiquais pas les maximes qui m’étaient enseignées.

Ces maximes sont importantes et à méditer. L’épée sur le cœur reçoit ici une nouvelle signification.

Au 1er grade, « l’épée sur le cœur désigne le danger des illusions auxquelles [l’homme] est exposé pendant sa course passagère, illusions qu’il ne peut repousser qu’en veillant et en épurant sans cesse ses désirs. » (Instruction morale § 16).

Au deuxième grade, l’épée sur le coeur désigne un état d’« obscurité » qui est pire encore que l’état de celui qui n’est entré dans aucune voie si comme il est dit dès le 1er grade : « (...) toute faible qu’est la lumière que l’homme apporte en naissant, s’il la néglige il peut la perdre en entier et tomber dans de plus épaisses ténèbres (...) » (Instruction morale, § 25).

36 D. Que vous est-il arrivé ensuite ?

R. On m’a fait retourner contre l’Occident, et on m’a mis à l’épreuve.

37 D. En quoi consistait cette épreuve ?

R. On m’a fait arracher le voile qui me cachait mes propres défauts, pour m’apprendre à me connaître moi-même.

C’est l’épreuve du miroir. La connaissance de soi-même dont il s’agit est un chemin vers la perfection, une progression, un processus par lequel on s’approche de l’idéal (cf. le symbole du grade).

38 D. Qu’on fait de vous ensuite les deux Surveillants ?

R. Ils m’ont fait monter par trois et deux pas les cinq premières marches de l’escalier du Temple, mais on m’a fait redescendre.

39 D. Pourquoi vous les a-t-on fait monter et ensuite redescendre ?

R. Pour me rapprocher de la lumière et éprouver ma résignation.

La vie spirituelle est scandée par des étapes ou degrés symbolisés par ces marches. On retrouve cette image dans l’Echelle de Jacob, par exemple.

40 D. Avez-vous donc aperçu quelque nouvelle lumière ?

R. Oui, l’Etoile flamboyante m’a été montrée dans tout son éclat, avec la lettre G au milieu.

41 D. Que signifie cette lettre ?

R. J’en connais peu la valeur, mais on m’a enseigné qu’elle signifiait Géométrie, ou la cinquième des sciences à laquelle un bon Maçon doit s’appliquer préférablement.

Les arts libéraux sont divisés en trivium et quadrivium. Le trivium comprend la grammaire, la rhétorique et la dialectique. Le quadrivium contient les quatre arts mathématiques : l’arithmétique, la musique, la géométrie et l’astronomie.

A l’origine l’étoile et la lettre G sont séparées et réparties sur les 1er et 2e grades ou étapes. Par rapport à cette première tradition maçonnique, le RER a choisi une solution intermédiaire. L’étoile et la lettre G apparaissent dès le premier grade mais la signification complète est au 2e grade (cf. le tableau du grade).

42 D. Qu’êtes vous devenu ensuite ?

R. On m’a conduit pas trois pas maçonniques à l’autel d’Orient, où j’ai renouvelé mes premiers engagements.

43 D. Pourquoi ce renouvellement ?

R. Pour m’apprendre qu’il ne suffit pas de prendre de bonnes résolutions, mais qu’il faut savoir y persister.

44 D. Que vous a produit ce renouvellement ?

R. De nouveaux signes, attouchements, mots et paroles, par lesquels j’ai été ensuite reconnu Compagnon par les Frères.

Troisième section

45 D. Quelle différence y a-t-il entre le tapis des Compagnons et celui des Apprentis ?

R. Aucune autre, si ce n’est la lettre B sur la colonne à la gauche du Temple.

C’est-à-dire face au Temple (à l’Ouest), et non face à l’Orient. (note LNF)

46 D. Pourquoi n’aviez-vous pas aperçu plus tôt cette lettre sur la seconde colonne ?

R. Parce qu’il m’était défendu d’en approcher, ce qui n’est permis qu’aux Compagnons et non aux Apprentis, qui ne doivent pas chercher à connaître les choses qui sont au-dessus de leur grade.

Les deux colonnes forment un enseignement complet.

47 D. Combien y a t il de colonnes à l’entrée du Temple ?

R Deux, en tout semblables, mais seulement désignées par la première lettre du nom qui leur est attribuée.

48 D. Quelle était leur hauteur ?

R. Dix-huit coudées.

49 D. De quelle hauteur étaient les fûts de ces colonnes ?

R. Douze coudées.

50 D. De quelle hauteur les chapiteaux ?

R. Près de quinze coudées.

51 D. Quelle était leur hauteur totale ?

R. Trente-cinq coudées.

52 D. Quelle était leur circonférence ?

R. Douze coudées.

53 D. Quelle était leur épaisseur ?

R. Quatre pouces.

54 D. Pourquoi seulement cette épaisseur ?

R. Parce qu’elles étaient creuses.

55 D. Quel était leur ornement ?

R. Elles soutenaient des globes sphériques ornés de lys et de grenades.

Toutes ces données sont tirées de la Bible.

56 D. Quel était leur usage pendant la construction du Temple ?

R. Elles servaient à renfermer les outils de géométrie et le Trésor pour payer les ouvriers suivant leur classe.

57 D. Pouvez-vous m’en donner la parfaite explication ?

R. Je ne le puis, parce qu’elle renferme des mystères qui me sont encore inconnus, quoiqu’ils me soient indiqués par les noms qu’elles portent en Loge.

Selon le RER, la colonne signifie « Dieu m’a créé » et B « le Seigneur est ma force ».

58 D. Quel est le symbole de la Loge des Compagnons ?

R. Une pierre cubique sur laquelle est posée une Equerre avec ces mots : Dirigit obliqua.

59 D. Que signifient ce symbole et l’inscription ?

R. Le but et la perfection des travaux de l’Ordre.

« Dirigit obliqua » signifie : « il redresse les choses obliques ». Il y a là une allusion à la pierre cubique, préfiguration d’une pierre parfaite, qu’incarne le Christ, modèle que l’homme se doit d’imiter.

60 D. Quel âge avez-vous comme Compagnon ?

R. Cinq ans passés.

61 D. Comment avez-vous acquis cet âge ?

R. En faisant les cinq voyages mystérieux autour des ouvrages, et en montant les cinq premières marches du Temple.

62 D. Que signifie cet âge ?

R. Que j’ai appris à connaître les cinq ordres d’architecture.

63 D. Quels sont-ils ?

R. L’Ionique, le Dorique, le Corinthien, le Romain et le Composite.

64 D. Quels rapports y a t il entre les ordres d’architecture et les travaux mystérieux des Maçons ?

R. Comme la connaissance des cinq ordres d’architecture est nécessaire à un architecte pour exercer son art, de même aussi les Maçons doivent ne pas négliger d’acquérir aucune des connaissances qui peuvent contribuer à la perfection de leurs travaux.

Les Anciens Devoirs sont centrés sur la Géométrie. La spéculation sur les ordres d’architecture remonte en réalité au XVIe siècle. Elle fut reprise plus tard dans la Franc-maçonnerie. Dans le RER, elle n’a qu’une place anecdotique.

65 D. Avez-vous été payé de votre travail ?

R. Oui, Vénérable Maître.

66 D. Où avez-vous reçu votre salaire ?

R. A la colonne B, à la gauche du Temple, où s’assemblaient les Compagnons pour y recevoir le leur.

67. Combien avez-vous reçu ?

R. Je connais la signification de la lettre B et je suis content.

*

Le Vénérable Maître, en finissant l’instruction dit :

V.M. Mes Frères, apprenons à nous bien connaître, travaillons sans relâche à polir la Pierre brute, venons souvent contempler l’Etoile flamboyante, puisque c’est le moyen de parvenir un jour à connaître les mystères qui nous sont encore voilés.